Extreme E devient Extreme H : adieu la recharge, bonjour le buggy hydrogène !

Par RobinB le 08 juillet 2025
Divers
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En 2021, la compétition Extreme E débarquait avec un concept choc : des buggys 100 % électriques taillés pour les terrains les plus difficiles, histoire de prouver que le zéro émission pouvait aussi rimer avec spectacle off-road. Quatre saisons plus tard, la série tourne la page : elle s’appellera FIA Extreme H à partir de 2025 et passera de la batterie à l’hydrogène 💧

Même format télévisuel, mêmes duos pilote-copilote mixtes, mais un message technologique totalement renouvelé : prouver qu’une pile à combustible peut délivrer 550 ch, encaisser les pires pistes — et surtout se ravitailler en quelques minutes, là où l’électricité imposait de longues recharges ⏳

Cette transition ne se limite pas à un changement de carburant ; c’est un changement de cap : d’une vitrine « EV-awareness » à un banc d’essai grandeur nature pour l’économie hydrogène que la FIA et les partenaires industriels veulent accélérer.

Petit rappel : qu’est-ce que l’Extreme E ?

Lancé en 2021 par Alejandro Agag (déjà père de la Formule E), l’Extreme E réunit des SUV électriques sur des tracés off-road temporaires installés dans des écosystèmes menacés : désert d’Arabie, côtes du Sénégal, glaciers du Groenland, forêt amazonienne… L’idée est double : offrir un show façon mini-Dakar et braquer les caméras sur les effets du changement climatique. Chaque équipage doit compter un pilote et une pilote ; les deux se relaient à mi-course après un arrêt de 45 s baptisé « Switch ». Depuis ses débuts, la série a vu défiler des noms prestigieux – Sébastien Loeb, Carlos Sainz Sr., Johan Kristoffersson, Molly Taylor, Jenson Button – au volant des Odyssey 21. Extreme H conserve ce format mixte et ces manches courtes façon tournoi, mais remplace la grosse batterie par la pile à combustible hydrogène du Pioneer 25.

Le Pioneer 25 : 550 chevaux de vapeur… d’eau

Le buggy officiel s’appelle Pioneer 25. Construit par Spark Racing Technology, qui est également le constructeur des monoplaces de Formule E, il conserve le gabarit de l’ancien Odyssey 21, mais abandonne le pack batterie pour un système « pile + batterie tampon » 🔋

Présentation du nouveau buggy Pioneer 25
Détail Caractéristiques Pioneer 25
Moteurs électriques Deux blocs de 200 kW (avant / arrière)  ⟶  400 kW cumulés, soit ~550 ch.
Pile & batterie Pile Symbio 75 kW (450-850 V) + batterie tampon 36 kWh (325 kW crête).
Stockage H2 Deux réservoirs composite – 700 bar, ~8 kg d’H2 (≈ 50 L) ravitaillés en 2-3 min.
Transmission Transmission intégrale, rapport fixe (aucune boîte de vitesses).
Châssis & structure Cadre tubulaire spatial + panneaux composites absorbants, position de conduite centrale (type monoplace).
Suspension / amortisseurs Double triangulation AV/AR, amortisseurs FOX Live Valve réglables par le pilote, 400 mm de débattement.
Dimensions / poids 6 m (longueur) × 1,9 m (hauteur) × 2,4 m (largeur)  · Empattement : 3,2 m · 2 200 kg tous pleins faits.
Performances clés 0-100 km/h : 4,5 s · Vitesse max : 200 km/h · Pente franchissable : 130 % (~52 °).
Mécanique du buggy Pioneer 25

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Goodwood 2025 : la grande première en public

Le Pioneer 25 effectuera ses débuts officiels devant du public au Goodwood Festival of Speed, du 10 au 13 juillet 2025. Tous les jours, il grimpera la célèbre "colline" (tout est relatif, on parle d'environ 90 mètres de dénivelé) de 1,86 km et restera exposé dans le Future Lab avec capot retiré pour que les spectateurs découvrent la pile à combustible et les réservoirs H₂.

Ce retour à Goodwood est symbolique : en 2019, l’Extreme E y avait dévoilé l’Odyssey 21 électrique (voir photo ci-dessous) ; six ans plus tard, la série présente sa seconde génération zéro émission 👍

Présentation du buggy Odyssey 21 électrique en 2019 à Goodwood

De l’Extreme E à l’Extreme H : pourquoi changer de carburant ?


Les limites des recharges 100 % batterie

En Extreme E, chaque ODYSSEY 21 dispose d’une batterie Williams de 54 kWh. Un relais de deux tours (≈ 20 km) la vide à plus de 80 %🥵

Entre chaque course, on rebranche le buggy sur le chargeur hydrogène 40 kW d’AFC Energy. Toutefois la batterie ne tolère qu’une charge modérée sous forte chaleur. Résultat : environ 90 minutes pour passer de 10 % à 100 %, puis 10 minutes supplémentaires pour équilibrer les 3 600 cellules internes. Cette immobilisation longue est précisément ce que le passage à la pile à combustible embarquée doit éliminer en Extreme H, où le plein d’hydrogène ne prend que quelques minutes 👌

Container de la société AFC Energy pour recharger les buggys de l'Extreme E
📸 Chargeur hydrogène 40 kW d’AFC Energy utilisé jusqu'à présent en Extreme E

Ce qui change avec l’hydrogène embarqué

En Extreme H, le buggy embarque sa propre centrale électrique : une pile à combustible installée derrière le pilote. L’hydrogène est stocké dans deux réservoirs à 700 bar (soit sept cents fois la pression atmosphérique), puis la pile le combine à l’oxygène de l’air pour produire l’électricité qui alimente les moteurs, ne rejetant qu’un fin nuage de vapeur d’eau 💦

Quand les réservoirs approchent du vide, le ravitaillement se fait comme un plein d’essence : un pistolet haute-pression se clipse, deux à trois minutes suffisent pour remettre le carburant sous pression, et la voiture repart aussitôt. Plus besoin des longues recharges imposées par la batterie de l’ancienne Extreme E 🥳

Oui, il faut toujours une station… mais plus légère

Du temps d’Extreme E, l’électricité du paddock provenait du générateur H-Power fourni par AFC Energy : une pile à combustible alcaline associée à un pack batterie, capable d’alimenter la recharge des buggys et l’infrastructure TV.

Pour le passage à Extreme H, l’organisation change de technologie et de partenaire. Elle adopte la HPU2 de GeoPura, testée au printemps 2025 sur le site Siemens Energy de Newcastle. Plus compacte que la première génération GeoPura (HPU1), la HPU2 délivre 500 kW continus et peut fonctionner seule ou avec une petite batterie tampon pour lisser les pics de demande. À plein régime 24h/24, un seul conteneur pourrait alimenter l’équivalent d’environ 1 200 foyers britanniques.

ℹ️ Sur site, la HPU2 recharge des bouteilles haute pression standardisées ; ces bonbonnes sont ensuite utilisées pour ravitailler les buggys. Objectif : alimenter tout le paddock (stands, écrans, broadcast, chronométrage...) sans recourir au moindre groupe électrogène diesel.

Station HPU2 / Geopura
📸 Nouvelle station HPU2 utilisée en Extreme H (société Geopura)

L’intérêt sportif et industriel

Sur le plan sportif, le ravitaillement hydrogène ne dure guère plus longtemps qu’un plein d’essence ; la course enchaîne donc ses manches sans ces longs temps morts qui parasitaient la diffusion télévisée sous l’ère 100 % batterie 😎👍

Au niveau logistique, toute l’énergie est produite ou stockée sur le site : la FIA veut démontrer qu’il est possible d’organiser un rallye-raid loin de toute infrastructure, sans recourir au moindre groupe électrogène fossile. Et l’intérêt industriel est clair : dès 2026, le règlement permettra aux constructeurs de monter leur propre pile à combustible sur le châssis Spark.

Extreme H veut devenir un laboratoire grandeur nature capable de séduire des constructeurs tels que Toyota, Hyundai ou tout autre spécialiste de la pile à combustible, sans provoquer la flambée des budgets qu’entraîne souvent une formule totalement ouverte : seul le design extérieur reste personnalisable. Les équipes peuvent retoucher capot, ailes et optiques pour évoquer un modèle de série et affirmer leur identité visuelle, tandis que châssis, transmission et systèmes hydrogène demeurent communs à tous.

Photo du buggy Pioneer 25

Une saison 2024 tronquée qui a fâché certains fans

Extreme E a sacrifié ses deux dernières manches 2024 pour accélérer la transition : terminer les crash-tests du Pioneer 25, former les commissaires aux procédures haute-pression et valider la centrale HPU2 sur le terrain. Cette pause forcée a débloqué l’homologation FIA World Cup 2025 – mais elle a aussi laissé les fans sur leur faim : la saison 2024 n’a compté que quatre X Prix, privant les équipes encore en lice du finish à suspense et coupant la visibilité des partenaires. Sur les réseaux, beaucoup ont parlé d’« édition au rabais » et se demandent désormais si la grille 2025 dépassera bien les huit voitures exigées par la FIA 😏

Programme d’essais XXL : poussière, rocaille, chaleur extrême

Spark Racing Technology a mis au point dix Pioneer 25 lors d’un programme de tests qualifié d’« équivalent à trois saisons de course ». Les roulages publics connus se sont déroulés sur les pistes cassantes de Fontjoncouse (Aude) puis sur les spéciales caillouteuses et poussiéreuses de Sardaigne, où Continental a homologué son pneu 37 pouces dédié. Les crash-tests structurels FIA (latéral et tonneau) ont été validés en septembre 2024 ; les essais de sécurité hydrogène ont, eux, été clos en mai 2025, dernière étape avant l’homologation World Cup 😎

Le Pioneer 25 sur la base d'essai de Fontjoncouse en France

Extreme H 2025 : confirmations timides, retraits de taille et casse-tête pour remplir la grille

À ce jour, deux équipes seulement ont officialisé leur passage à Extreme H :

  • Veloce Racing : la structure britannique a annoncé son inscription en février 2025, devenant la toute première écurie certifiée « World Cup ». Veloce n’a pas encore publié son duo, mais l’option la plus crédible reste le tandem champion Extreme E 2023 Molly Taylor / Kevin Hansen, déjà vu au volant du Pioneer 25 lors de tests officiels.
  • SUN Minimeal Team : le team suisse a confirmé qu’il suivrait la transition hydrogène avec son équipage 100 % scandinave Timo Scheider / Klara Andersson.
Molly Taylor / Kevin Hansen - Team Veloce Racing
📸 Molly Taylor / Kevin Hansen - Team Veloce Racing

Deux poids lourds, en revanche, tirent leur révérence :

  • Rosberg X Racing (RXR) – double champion Extreme E – fermera ses portes fin 2024, estimant que la série perd son ADN « full EV » et redoutant un plateau réduit.
  • X44 – l’équipe de Lewis Hamilton, titrée en 2022 – a quitté le championnat dès février 2024, avant même l’annonce officielle du calendrier Extreme H.

Côté coulisses, McLaren, Andretti Altawkilat, JBXE (Jenson Button) et Legacy Motor Club discutent toujours avec le promoteur mais n’ont signé aucun engagement public... Rappelons que la FIA exige un minimum de huit voitures pour valider la grille.

Si d’autres baquets ne sont pas confirmés d’ici la fin de l’été 2025, le nombre de concurrents pourrait sembler maigre aux diffuseurs, un sujet que les fans évoquent déjà sur les réseaux.

Le promoteur espère que l’ouverture technique programmée pour 2026 (chaque constructeur pourra homologuer sa propre pile à combustible) finira de convaincre des marques comme Toyota, Hyundai ou des équipementiers comme Bosch et Symbio de rejoindre la fête 🎉

ℹ️ Rappelons qu’Extreme E a déjà attiré de véritables stars du sport auto : Sébastien Loeb (X44), Carlos Sainz Sr. (Acciona), Mattias Ekström (ABT Cupra), Jenson Button (JBXE) ou encore le champion du monde rallycross Johan Kristoffersson. Voir ce calibre de pilotes rejoindre le plateau hydrogène pourrait offrir à Extreme H la caisse de résonance médiatique qui lui manque encore.

Calendrier : toujours « à confirmer » alors que nous sommes déjà en juillet 2025

Le promoteur parlait au départ d’un coup d’envoi en Arabie saoudite « courant avril ». Or nous voilà mi-juillet 2025 : aucune manche officielle, seulement quelques démonstrations, dont la montée du Pioneer 25 à Goodwood.

Photo officielle du nouveau Buggy du championnat Extreme H

Pourquoi ce report ?

  • Homologation FIA finalisée tardivement : la pile Symbio et les réservoirs 700 bar n’ont passé les derniers crash-tests qu’en mai ; sans ce visa, impossible d’inscrire un calendrier ferme.
  • Station H₂ HPU2 encore en rodage : GeoPura et Siemens Energy ont validé la pleine puissance en juin, mais la formation des commissaires « haute pression » ne sera certifiée qu’en août.
  • Grille incomplète : la FIA impose huit voitures mini ; pour l’instant seuls Veloce et SUN Minimeal sont inscrits. McLaren, Andretti, JBXE, Legacy discutent toujours budgets et pilotes.
  • Chevauchements TV : les créneaux Formule E et WRC sont verrouillés jusqu’à la pause estivale ; lancer la saison en plein embouteillage médiatique n’aurait servi personne.

Résultat : la fenêtre « avril-octobre » glisse vers septembre-décembre 2025, toujours sur cinq épreuves non confirmées (Arabie saoudite, Royaume-Uni, Allemagne, Italie, États-Unis).

Où se place Extreme H dans le panorama zéro-carbone ?

Depuis une décennie, la FIA explore plusieurs voies « zéro émission », chacune dans une discipline différente : la Formule E aligne des monoplaces électriques au cœur des villes depuis 2014 ; l’ETCR, devenu eTCR, applique la même technologie batterie aux berlines de tourisme sur circuit permanent ; le RX2e électrise le rallycross sprint avec ses sauts spectaculaires. Extreme H sera, lui, le premier championnat FIA à pile à combustible hydrogène en tout-terrain. Ville, circuit, rallycross… et désormais off-road hydrogène : la Fédération complète ainsi l’éventail de ses laboratoires énergétiques 🧪

D’autres initiatives hydrogène illustrent cet engouement : Ligier Automotive a présenté la JS2 RH2, version H2 de sa JS2 R ; l’ACO poursuit le programme MissionH24 pour engager un proto hydrogène aux 24 Heures du Mans ; et GCK Motorsport, emmené par Guerlain Chicherit, a développé le buggy GCK e-Blast H2 en vue du Dakar. Autant de projets qui montrent que la course automobile voit désormais l’hydrogène comme un terrain d’expérimentation stratégique 🤓

Doutes, critiques… et opportunités

Certains fans regrettent déjà la signature « 100 % électrique » : « Passer à l’hydrogène, c’est tendre la main aux pétroliers », lit-on sur les forums. D’autres pointent le paradoxe de vouloir « sauver la planète » en emmenant de gros SUV courir dans quelques-uns des derniers déserts ou forêts vierges de la planète ; le concept, disent-ils, n’est pas sûr de plaire à tout le monde. Enfin, la taille de la grille inquiète : « Huit voitures maxi, c’est à peine assez pour tenir le public devant l’écran ». Le côté trop confidentiel de la catégorie laisse aussi beaucoup de passionnés dubitatifs. Le promoteur mise sur l’effet nouveauté, la promesse de ravitaillements express et l’arrivée de grands constructeurs pour lever ces réserves. Le label FIA World Cup et la démonstration en montée à Goodwood doivent servir de rampe de lancement médiatique.

Conclusion

Le calendrier reste à verrouiller, la grille à densifier, le scepticisme à dissiper. Mais si la pile encaisse les chocs et si l’unité HPU2 alimente vraiment tout le paddock sans une goutte de diesel, Extreme H pourrait devenir la vitrine que la filière hydrogène attendait. Prochain rendez-vous : l’ouverture saoudienne — on verra alors si la vapeur d’eau peut faire vibrer autant qu’un hurlement de V8… ou qu’un sifflement de batterie 🙂

➡️ Plus d'informations sur le site officiel de la FIA Extreme H

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